Exposition « Tu peux le faire » Margaux Szymkowicz / Cyndie Olivares

 « Tu peux le faire »

Nous avons tous un entendu cette formule, si chère au spectateur désabusé :
« Je pourrais le faire ! »
Et quoi de plus naturel, finalement, que de juger d’une œuvre à sa technicité, et ne plus voir dans cette dernière que le refus d’une maitrise que les anciens nous ont léguée.
Pour ce quatrième VERSUS, Margaux Szymkowicz et Cyndie Olivares ont fait le pari d’exposer une série de trois œuvres pensées par l’autre ; soit six réalisations au total, qui mettent à l’épreuve cette affirmation, si irritante pour certains, si naturelle pour d’autres, dans laquelle les adeptes de la splendeur et de la vénusté puise toute leur rengaine : « je pourrais le faire ».
Oui, ami spectateur, tu peux le faire. Et à cette fin, tu verras que chaque réalisation est accompagnée d’un mode d’emploi que l’artiste a scrupuleusement suivi, afin d’obtenir le résultat attendu par son homologue. Sauf que voilà, chacune des techniques, chacun des supports, tous les matériaux utilisés dans cette exposition sont étrangers à ceux que l’artiste emploi dans sa propre production. De sorte que, privé des gestes et des outils qu’il manipule, l’artiste se fait ici l’égal de sa Némésis : toi spectateur.
Et comprenons-nous bien. Il ne s’agit pas de refaire, mais bien de faire, ainsi que le suggère cet invincible credo : « je pourrais le faire ». La performance est donc inséparable des œuvres exposées.
Oui, tu peux le faire, sans doute, mais à la manière dont on suit un tutoriel d’un loisir créatif ; à la manière dont un enfant accomplit un gage, lorsque le jeu lui ordonne ; à la manière dont on apprend, découvre la matière, c’est-à-dire en subissant ses lois. Et c’est pourquoi, dans cette exposition, comme dans la performance qui la sous-tend, les contraintes s’imposent au spectateur en même temps que ce crédo « tu peux le faire ».
Oui, peut-être pourrions-nous le faire. Mais nous savons que créer, ce n’est pas reproduire un modèle, c’est reproduire quelque chose de singulier —- et l’aspect archéologique des mosaïques nous détourne ici de cette singularité. Ce n’est pas suivre des règles, c’est s’en affranchir —- et les plis de la Structure à géométrie variable suivent scrupuleusement les lignes du papier peint. Ce n’est pas subir les lois de la matière, mais les réutiliser à de nouvelles fins —- et les reliefs en argile conservent leur force d’immobilité. Et c’est pourquoi le spectateur pourra ressentir une certaine frustration, tant chaque réalisation met ses contraintes en évidence. Mais elles les donnent à voir et finalement les sublime, effaçant derrière elles ce credo que quiconque peut ici affirmer librement : « je peux le faire ».
Oui, et justement, le mode d’emploi est là pour ça. Ce dernier, loin de dénaturer l’œuvre en lui ôtant tout son prestige, comme l’aurait fait l’explication d’un tour de magie, dévoile avec force et détails tout ce que cette œuvre dissimule : contemplation, recherche, inspiration, et, bien sûr, choix des contraintes. Devenu le seul objet pensé et réalisé par l’artiste, celui-ci s’approprie à travers la réalisation de son homologue une grande partie de ce que l’esthétique de l’œuvre, délaissant la technique et concédant au spectateur ce credo : « tu peux le faire ».
Oui, mais l’artiste c’est moi.
Christophe Bruno

 NOTICE N°1

Posters
papier calque, dentifrice
dimensions variables.

NOTICE N°2

« Nous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé »

boîte à musique, plâtre, mouche\r\n25 x 15 x 17 cm\r\n


NOTICE N°3

Structure à géométrie variable
papier peint
100 x 55 cm

NOTICE N°4

Mosaïque de pavement
bois, verre, enduit de jointage
120 x 160 cm
Mosaïque murale
bois, bris de vaisselle cassée, enduit de  jointage
120 x 80 cm

NOTICE N°5

Nostalgie du futur
cire d’abeille gaufrée
dimensions variables

NOTICE N°6

Le déclin de l’immobilité
argile et technique mixte
210 x 140 x 45 cm